Rien n’est fichu, rien n’est acquis
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Depuis quinze ans, le taux d’activité des seniors a augmenté. Pourtant, il stagne à 30% en France alors que la moyenne européenne est à 42%. Ces premiers chiffres recouvrent plusieurs réalités. Notamment pour les femmes de 45 ans et plus sans emploi qui cherchent à en retrouver un. 45 ans : oui, vous avez bien lu. Il s’agit du nouveau palier au-delà duquel elles sont considérées comme des seniors, tout comme leurs semblables masculins. Entre clichés tenaces et reconquête de l’estime d’elles-mêmes, rencontre avec Françoise Baraquin, Présidente d’Action Femmes Grand Sud, pour comprendre et inscrire une autre vision de l’emploi de ces nouveaux “seniors” au sein de l’entreprise et de la société.
Ça commence souvent par une remarque, plusieurs parfois. Dans l’entourage proche d’une personne de 45 ans et plus qui a perdu son emploi, qui peine à en retrouver un. Des lettres de motivation par centaines qui restent sans réponse. Quelques rares entretiens saupoudrés de faux-semblants. Les factures qui s’accumulent. Et le conjoint ou la conjointe qui exprime sa désespérance, sans penser à celle de l’autre. “À ton âge…”
6,9% : c’est le taux de chômage en France des personnes âgées de 55 à 64 ans durant l’année 2018. Si le Ministère du travail valorise une augmentation simultanée de leur taux d’emploi, il n’en demeure pas moins que ce taux de chômage gagne 0,5 point. Au même Ministère d’avancer que celui-ci est inférieur de 0,8 point au taux de chômage le plus haut constaté à la moitié de l’année 2015. Et après ?
La fleur de l’âge
Le curseur a donc bougé. Depuis quelques années sur le marché du travail, on n’est plus vieux à partir de 55 ans mais dix ans plus tôt. Allez savoir pourquoi. Quand le bon sens commanderait d’investir dans une stratégie intergénérationnelle au sein des entreprises de toute taille pour toutes les bonnes raisons économiques, structurelles, organisationnelles, techniques, créatives et de transmission que l’on peut deviner, le salarié de plus de 45 ans est à son tour pointé du doigt.
Trop âgé, trop cher, trop figé, trop éloigné des nouvelles contraintes économiques initiées notamment par le digital ? Pas assez réactif, pas assez malléable, pas assez flexible ? Cerise sur le gâteau pour les femmes de plus de 45 ans : être une femme. Une double peine qui pourrait en culpabiliser et en victimiser plus d’une : que nenni. C’est dans ce sens que l’association Action Femmes Grand Sud vit le jour en 2011. Elle offre à chaque femme de plus de 45 ans de Midi-Pyrénées au chômage un accompagnement individualisé pour favoriser son retour à l’emploi. Et bien plus encore.
De l’autre côté du miroir
À la tête de cette association de loi 1901 fondée en 2011 : Françoise Baraquin, sa Présidente. Elle crée son cabinet de conseil en ressources humaines à son arrivée à Toulouse en 1989. Puis elle travaille à partir de 1997 au sein du Groupe Adecco. Avant, c’était elle de l’autre côté du bureau. Pendant plusieurs années, elle trouva un certain sens à ses activités. “Je ne me suis jamais ennuyée”, confie-t-elle avant d’ajouter : “Mais ce n’était pas pareil.”
Ainsi, Françoise Baraquin reconnaît aimer travailler avec les femmes et faire avancer leur cause : “C’est quelque chose qui me tient à cœur.” Les contraintes liées aux chiffres et à la marge bénéficiaire disparaissent. “Chez Action Femmes Grand Sud, qu’une candidate ait besoin de cinq, dix ou quinze entretiens individuels, peu importe. Nous agissons bénévolement. Nous faisons ce que nous voulons, comme nous le voulons. Ce qui compte, c’est de voir l’évolution des candidates, du moment où elles arrivent à l’association à celui où elles réussissent et où elles ne sont plus les mêmes.”
Action Femmes Grand Sud : (ré)apprendre à être soi
Au diable les caricatures nourries depuis tant d’années quant aux salarié(es) “seniors”, tant dans leur entourage proche qu’au sein de certaines entreprises. Et bonjour la réalisation de soi. Méthodes, outils, réunions d’information, ateliers collectifs à la carte et ateliers individuels obligatoires de dynamisation organisés tous les quinze jours : depuis sa création, Action Femmes Grand Sud a accompagné plus de 260 candidates.
Un accompagnement qui rime avec engagement. Objectif : “Qu’elles aient à nouveau confiance en elles pour redevenir visibles. Notamment par le fait de savoir se présenter, évoquer leurs compétences, partager leurs envies.” Résultat : l’association valorise à son niveau un taux de réussite de 70% sur l’ensemble des candidates âgées de 45 à 63 ans auxquelles elle a apporté son soutien.
Oser tous les possibles
Le quotidien vécu par un certain nombre de femmes et d’hommes de plus de 45 ans dans le monde du travail d’aujourd’hui interroge, certes. Mais il n’est plus une fatalité. Du côté d’Action Femmes Grand Sud, on a depuis longtemps opté pour la responsabilisation de chaque candidate : “Il faut que chacune d’elles prenne conscience de la nécessité d’assumer son savoir-faire, son âge, son parcours et ses choix. Tout n’est pas fichu. Mais tout n’est pas acquis.”
Oser être soi, avancer. Et oser dire non même lorsque ses finances personnelles tendent à suggérer de faire le contraire. Quand certaines retrouvent un emploi en CDI, d’autres candidates font le choix de créer elles-mêmes le leur. Le chômage des plus de 45 ans : un mal pour un bien ? “La société se transforme. Il y a de plus en plus d’indépendants et de très petites entreprises de deux ou trois personnes. Celles-ci disposent de leurs propres règles du jeu.”