Liberté d’entreprendre, entreprendre à tout prix
Société | Rapport au travail | Ballad.Club
En 2019, la France comptait plus de 3 millions de travailleurs indépendants, soit plus d’un actif sur dix. Fin 2021, leur nombre est passé à 4 100 000, soit une hausse de près de 9% en un an. Que révèlent ces chiffres quant à notre rapport au travail ? Quels sont les dispositifs récents mis en place pour accompagner les mutations qu’ils suggèrent ? Qu’en est-il des initiatives entrepreneuriales, à l’instar de Ballad.Club, pour participer au succès, au bien-être et à la liberté du travailleur indépendant ?
Les chiffres étaient au plus haut malgré la crise liée aux mesures sanitaires et économiques prises durant l’épidémie de Covid-19. En 2020, 848 000 nouvelles entreprises individuelles ont vu le jour : un record. Et les créations ont continué à progresser significativement en 2021 avec 995 900 EI supplémentaires. « La grande démission” y a notamment contribué. Et la France n’a pas échappé à ce phénomène venu des États-Unis. Dans ce sens, on a observé un nombre croissant de salariés démissionnaires :
- En CDI : +19,4 % en juillet 2021 par rapport aux valeurs observées deux ans auparavant.
- En CDD : +25,8 % en juin 2021 par rapport au niveau atteint deux ans auparavant.
En outre, de nombreux salariés ont souhaité réconcilier vie professionnelle et vie personnelle. Cela s’est traduit par une profonde remise en question de leur rapport au travail. Selon le sondage mené fin mai 2022 par Opinion Way pour l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), quatre actifs sur dix en France envisagent ainsi de changer d’emploi “pour un travail qui aurait plus de sens”. L’étude pointe également du doigt :
- Une rémunération insuffisante (34%).
- Le manque de reconnaissance de leur hiérarchie (32%).
- Des pratiques managériales éloignées de leurs propres valeurs (32%).
Un plan en faveur des travailleurs indépendants
Les décisions récentes des pouvoirs publics semblent confirmer le caractère durable de l’augmentation du nombre de travailleurs indépendants. Dans cette optique, le gouvernement français a présenté en septembre 2021 le Plan Indépendants. Il s’agit d’un ensemble de mesures visant à simplifier le quotidien des travailleurs indépendants, à les protéger et à les accompagner efficacement.
Adoptée par le Parlement le 8 février 2022, la loi n° 2022-172 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a finalement été publiée au Journal Officiel le 15 février 2022. Elle prévoit notamment :
- La protection de plein droit du patrimoine de l’entrepreneur individuel.
En d’autres termes, l’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL) est supprimée. De quoi éviter la double peine à l’entrepreneur en cas de défaillance professionnelle.
- Des conditions d’accès moins restrictives à l’allocation des travailleurs indépendants (ATI).
Depuis cette année, ceux qui enregistrent une baisse de 30% d’une année sur l’autre avec un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 10 000 euros sur l’une des deux dernières années peuvent en bénéficier.
- La simplification de la transformation d’une entreprise individuelle en société.
La transmission de la totalité du patrimoine professionnel s’effectue à présent en une seule opération.
- Le doublement du crédit d’impôt formation.
Pour les dirigeants de TPE de moins de dix salariés.
Le revers de la médaille
Si ces dispositifs vont dans le bon sens quant aux intérêts des travailleurs indépendants, les réalités d’une partie d’entre eux demeurent cependant assez éloignées de celles qu’ils fantasmaient avant de choisir leur voie. De fait, un peu plus d’un indépendant sur dix gagne moins de la moitié du Smic annuel et vit sous le seuil de pauvreté selon l’INSEE.
Alors, quand on est rattrapé par la nécessité, c’est le désir de liberté et de bien-être au travail, celui-là même qui encourage une personne à devenir travailleur indépendant, qui a du plomb dans l’aile. À l’inverse, lorsqu’on réussit à tirer son épingle du jeu en tant que travailleur indépendant, il peut arriver que l’on frôle le burn-out pour conquérir toujours plus de nouveaux clients et/ou pour éviter de perdre tout ce que l’on a bâti. Là aussi, notre désir de liberté et de bien-être peut en prendre un coup. Malgré tout, est-ce une bonne raison pour ne pas oser se lancer ?
Ballad.Club : “le nouveau monde des travailleurs libres”
En parallèle des initiatives gouvernementales, des acteurs privés s’activent à leur manière pour faciliter la vie du travailleur indépendant. Mais aussi pour lui faire entrevoir d’autres opportunités pour le développement de son business. Dans ce sens, la promesse de Ballad.Club, une start-up cofondée en juin dernier à Lyon par Johann Milani et Amaury Dupouey, a de quoi séduire. Les deux associés n’en sont pas à leur coup d’essai. Un an après l’ouverture de son slowcafé Sofffa en 2015, un lieu mêlant coworking et détente, Johann rencontre Amaury. Depuis, ils ne se quittent plus.
“Pourquoi une personne fait-elle le choix du statut de travailleur indépendant et/ou de télétravailleur ? Les trois quarts, c’est pour gagner en liberté”, selon Johann. “Mais les désillusions sont grandes lorsqu’on s’aperçoit que cette liberté tant espérée coûte cher et qu’elle n’est pas si facile à atteindre. Cela nécessite certaines ressources financières et ça peut compliquer la socialisation des principaux concernés. Ballad.Club participe à concrétiser la liberté que le statut de travailleur indépendant et le télétravail supposent.”
Au-delà des constats, repositionner l’humain
Les initiatives en faveur de l’amélioration du bien-être au travail dans les entreprises se multiplient en Europe. Néanmoins, elles peinent à faire leur place en France. Pourtant, certains chiffres partagés par Ballad.Club interrogent. Ainsi, nos entreprises jugent 58% de leurs projets de recrutement comme étant difficiles actuellement. De plus, 41% des salariés français se disent en détresse psychologique. D’où l’intérêt grandissant pour le statut de freelance dès lors qu’on a réussi à se défaire de ses certitudes et de ses craintes, notamment celle de l’échec.
“La société initie une forme de pression à ce sujet”, relève Johann. “De nombreuses personnes font le choix de ne rien faire plutôt que de se planter aux yeux de tous. Néanmoins, on réalise, une fois dedans, qu’il existe des solutions, des façons de construire en fonction de soi. Des aides financières aussi. Et lorsqu’on est bien accompagné, l’échec lui-même peut devenir constructif pour la suite. Se planter, ce n’est pas dramatique !”
Ballad.Club : partager plus pour vivre plus d’expériences…
À 36 ans, Johann Milani revendique encore son propre droit à l’erreur. Autodidacte, il a connu les petits boulots dans les stations savoyardes proches de sa ville de naissance, Albertville. Il devient papa très jeune, à 19 ans, et trouve un poste de designer dans un studio de création graphique. Celui-ci met la clé sous la porte trois mois après. Cet événement le pousse à créer son propre studio. Puis il signe son premier gros contrat avec un magazine de la région.
“Cette période a été brutale à tous les niveaux”, se souvient-il. “Ceci dit, elle a été riche d’enseignements. Il faut faire confiance à son intuition, oser se mettre en déséquilibre en assumant les conséquences, bonnes ou mauvaises. J’expérimente plusieurs activités très différentes depuis plusieurs années. J’ai noué un certain nombre de nouvelles relations. Il y a des passerelles à faire entre ces relations et ces activités. Chacune d’entre elles nourrit l’autre. Ballad.Club facilite la création de ces passerelles entre les travailleurs indépendants, leurs partenaires et leurs clients.”
…afin de se reconnecter à soi et tracer sa voie
C’est là que se joue en grande partie le succès d’un travailleur indépendant car, en définitive, tout part de lui. “Les travailleurs indépendants disposent bien souvent de tout ce qu’il faut pour concrétiser une aventure qui leur correspond”, confie Johann. Et pour les y aider, Ballad.Club intègre également des hébergements dans la Drôme, à Paris et à Barcelone ainsi que la location d’un van aménagé pour s’évader.
“Chez Ballad.Club, on ne veut pas forcément parler que de travail. C’est pour cette raison qu’on s’adresse aussi à la personne qu’il y a derrière le travailleur indépendant et le télétravailleur. On est heureux quand l’un de nos abonnés réserve par exemple La Baraque originelle (des chambres d’hôtes créées par Johann et Amaury en décembre 2020 et implantées sur un terrain de 80 000 m² dans la Drôme) avec sa famille pour tout faire sauf bosser. En fait, on ne veut pas étiqueter les usages. L’idée, c’est que nos abonnés se baladent librement entre tous les espaces.”
Ballad.Club : le Netflix des travailleurs indépendants qui font les liens
L’abonnement Ballad.Club est proposé à 250 euros par mois, sans engagement. “Plus on mutualise et moins ça coûte cher pour chaque abonné.” Pour ce tarif, l’abonné peut profiter à volonté de plusieurs espaces de coworking. De plus, il dispose en permanence de douze crédits de réservation qu’il peut utiliser pour réserver une salle de réunion, un hébergement et/ou le van aménagé. À chaque lieu ou équipement correspond un nombre de crédits, rendus à l’abonné sur son appli une fois sa réservation terminée. Il peut y convier des partenaires commerciaux, des clients et de la famille en fonction de la jauge d’accueil et de la disponibilité de chaque espace. Et ce, même s’ils ne sont pas abonnés.
Outre le fait qu’il cadre l’utilisation que chaque abonné fait de Ballad.Club, ce système de modération vise à encourager les réservations de dernière minute pour combler les périodes d’inoccupation des lieux. De quoi optimiser les investissements de Ballad.Immo. Mais également les dépenses des travailleurs indépendants, tout en soutenant le développement de leur business et leur socialisation, en ville comme en milieu rural.
Privilégier un développement participatif
“Ballad.Club comptera une centaine d’abonnés en janvier” selon Johann. Objectif en 2023 : franchir le cap des 500. D’ici là, les deux associés comptent ajouter à leur catalogue d’autres espaces de coworking et de nouveaux hébergements, notamment à Paris, à Marseille, dans la Loire, en Bourgogne et dans les Alpes. Pour ce faire, ils misent, d’une part, sur leurs investisseurs privés. Après deux premières levées de fonds réussies cette année pour une enveloppe globale de 2,5 millions d’euros, une autre est en cours de préparation pour un montant de 3 millions d’euros.
D’autre part, ils misent sur leurs abonnés. Ces derniers seront conviés, dans les prochains jours, à devenir copropriétaires en rejoignant leur société immobilière partagée. De quoi bousculer les codes quant à la constitution d’un premier patrimoine pour les travailleurs indépendants, sans que ces opérations n’aient une incidence sur l’usage des lieux. En effet, celui-ci restera exclusivement réservé aux abonnés de Ballad.Club.
Ballad.Club : direction le monde
En parallèle, d’autres actions sont prévues. Par exemple, des lieux capsules éphémères, accessibles sur une période limitée. De plus, des deals spécifiques sont à l’étude pour intégrer des propriétaires particuliers qui souhaiteraient mettre leur(s) bien(s) à disposition de Ballad.Club en échange d’une compensation financière.
“Dans dix ans, Ballad.Club sera au moins européen et potentiellement mondial”, avance Johann. “Autrement dit, avec des communautés sur place dans chaque endroit du monde.” Des ambitions qui ne manqueront sans doute pas d’inspirer les plus hésitants à sauter le pas en devenant le travailleur indépendant qu’ils ont toujours rêvé d’être. Qu’ils ont, en réalité, toujours été.